D’après l’article “points de repère sur les petites copropriétés et la rénovation énergétique” (qui se fonde notamment sur une étude réalisée à Flers en Normandie de Tess Simaillaud pour le PUCA en avril 2022 « Les petites copropriétés sans syndic. Une catégorisation pertinente ? »), le sociologue Gaëtan Brisepierre met en lumière le fonctionnement des petites copropriétés et la problématique rencontrée :
“Depuis le Grenelle de l’Environnement, les politiques publiques ont fait de la rénovation énergétique des logements une priorité, aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle des collectivités locales.
Pour le parc des copropriétés, qui représente 28% des logements français, les mesures déployées ont principalement porté leurs fruits sur les grandes copropriétés qui connaissent actuellement une dynamique relative à la rénovation.
Les petites copropriétés sont aujourd’hui considérées comme un angle mort, aussi bien par les acteurs publics et privés de la rénovation, que pour la recherche. Elles constituent pourtant un gisement d’économie d’énergie important”.
Qu’est-ce qu’une petite copropriété ?
Tout d’abord, il convient de préciser ce que l’on peut entendre par “petite copropriété”.
Trois entrées possibles ont été identifiées : “juridique”, “statistique” et “ethnographique”.
La définition juridique
Celle-ci “s’appuie sur un régime d’exception à la loi de 1965 sur quelques copropriétés.
Les petites copropriétés sont soumises à cette loi. Mais depuis 2006, de nouveaux décrets ont permis une simplification progressive des règles. Depuis le 1er janvier 2020, la “petite copropriété” est devenue une notion juridique à part entière, avec deux régimes dérogatoires visant à simplifier la prise de décision et la gestion”.
Pour les copropriétés de moins de 5 lots d’habitations ou dont le budget moyen sur les trois dernières années ne dépassait pas les 15 000 euros, le régime permet une comptabilité moins lourde, il retire l’obligation d’organiser une Assemblée Générale : à la place, il est possible de décider à l’unanimité par écrit.
Pour les copropriétés de 2 lots, le régime est inspiré du fonctionnement de l’indivision, permettant de prendre des décisions individuelles sur les mesures de conservation de l’immeuble.
Cette définition juridique a pu faire l’objet de tensions avec les représentants des syndics professionnels qui cherchent logiquement à préserver leur marché. En effet, le régime dérogatoire facilite le passage en syndic bénévole ou coopératif. Le seuil de définition aurait pu être fixé à moins de 10 lots, mais les fédérations ont obtenu de l’abaisser à 5 lots. De ce fait, la seule définition juridique de la “petite copropriété” nous paraît trop restrictive pour appréhender sa réalité sociale.
La définition statistique
Elle détermine la taille d’une “petite” copropriété par rapport à l’ensemble du parc des logements. La copropriété doit être composée de minimum 2 logements.
Les lotissements de maisons, dites « copropriétés horizontales », qui représenteraient environ 10% du parc, en sont exclus.
Ainsi, on obtient un parc global de copropriété. Ce qui représente 28% du parc des logements en France sur 9,7 millions de logements et 740 000 immeubles.
83% des immeubles en copropriété font moins de 20 lots, et 54% font moins de 6 lots.
Aussi, la moitié des logements en copropriété serait située dans des immeubles de moins de 20 lots.
Les « petites copropriétés” représentent donc les immeubles de moins de 20 lots de logement. Les copropriétés “moyennes” seraient les immeubles de 21 à 50 lots qui abritent 32% des logements en copropriété, et les “grandes” copropriétés, ceux de plus de 50 lots qui abritent 17% de ces logements.
La définition ethnographique
Cette définition part du point de vue des copropriétaires :” ils raisonnent en termes de nombre de copropriétaires et ne sont pas conscients d’être en copropriété au sens juridique”.
Dans cette étude, cette définition considère la petite copropriété comme “celle dans laquelle la norme sociale prédomine sur la norme juridique pour gérer les affaires de la copropriété sans syndic”.
- La “quasi-monopropriété” est souvent très petite, avec 2 ou 3 lots et sans espaces communs – où les copropriétaires n’ont pas conscience d’être en copropriété. Ici, elle est gérée par le copropriétaire majoritaire ou par chaque propriétaire pour sa partie du bâtiment.
- Dans la “copropriété interpersonnelle”, la gestion se base sur les relations interpersonnelles des copropriétaires. Se considérant comme trop peu nombreux, les copropriétaires ne ressentent pas le besoin de s’appuyer sur le cadre juridique de la copropriété.
- La “copropriété consciente”, elle a conscience des obligations légales, mais souvent, elle ne s’y conforme pas.
Le fonctionnement des petites copropriétés de moins de 20 lots sans syndic met le sujet de la rénovation énergétique en difficulté. De par leur fonctionnement informel, sa gestion et sa prise de décision peuvent être bloquées si un accident, tel qu’un incendie, arrivait. D’autre part, par le fait que les copropriétaires ne se connaissent pas, ils ne peuvent pas communiquer et s’entretenir pour prendre une décision.
Les caractéristiques du parc des petites copropriétés : les difficultés rencontrées et les pistes d’actions à explorer
Le parc des petites copropriétés est encore plus méconnu que le parc des copropriétés en général car trop peu d’études ont été réalisées à ce sujet. De ce fait, ces petites copropriétés sont celles qui connaissent des difficultés plus visibles et sont concernées par la problématique de la rénovation énergétique.
D’après l’ANAH, elles sont souvent soumises au risque de fragilité : “On constate que sur 100 000 immeubles repérés comme “fragiles” (classés D), 75 000 sont des copropriétés de moins de 11 lots. Souvent anciens, ces immeubles ont été construits sans les standards constructifs actuels et les normes d’hygiène d’aujourd’hui. Ils se trouvent régulièrement soumis à l’insalubrité, voire à des dangers graves, comme a pu l’illustrer dramatiquement l’effondrement de la rue d’Aubagne à Marseille en 2018”.
Aussi, une enquête menée par le PUCA montre que les copropriétaires ne voient pas d’intérêt à se structurer et qu’ils étaient capables de décider de travaux, mêmes importants.
Cela mène à en conclure qu’il faudrait, dans un premier temps, organiser les petites copropriétés pour ensuite engager des travaux de rénovation énergétique.
Mais pourquoi les petites copropriétés sont un angle mort à la rénovation énergétique ?
Ce retard s’explique par plusieurs facteurs :
La dépense d’énergie est rarement un sujet commun ; la priorité des budgets de travaux sont très souvent dédiés aux “travaux d’urgences” ; ces petites copropriétés ne réalisent pas autant d’économies d’échelle que ceux des grandes copropriétés ; les démarches d’accompagnement à la rénovation énergétique ne sont pas adaptées actuellement.
Pour aider les petites copropriétés dans la réalisation de travaux de rénovation énergétique, des organismes tels que des collectivités ou des start-up de la “proptech” expérimentent des démarches préventives et développent de nouvelles offres d’accompagnement.