Un projet de loi est en préparation inspiré par un rapport rendu au Ministre du Logement Patrice Virgriete par les maires de Mulhouse et de Saint-Denis. L’occasion de découvrir avec QualiSR l’histoire de la lutte contre l’habitat indigne qui fait déjà l’objet de plusieurs textes de lois. Et le rapport final de la mission relative aux outils d’habitat et d’urbanisme qui vise à la renforcer.
Une lutte contre l’habitat indigne
L’habitat indigne est défini légalement pour la première fois en 2009 par la loi MOLLE. « Constituent un habitat indigne les locaux utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, exposent les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. »
L’habitat indigne touche tous les territoires, 400 000 et 420 000 logements privés sont considérés comme potentiellement indignes en Métropole. Ce terme désigne également les logements soumis à des procédures de péril, ou la stabilité des structures qui présentent un risque. Dans de tels cas, c’est le maire qui identifie ces problèmes et initie les procédures nécessaires.
Dans ce contexte, les marchands de sommeil entretiennent les habitats indignes et exploitent la détresse des populations les plus démunies. Un marchand de sommeil est un propriétaire exploitant ses locataires en louant des logements indécents à des tarifs excessifs, exposant ainsi ces derniers à des dangers tels que l’insalubrité ou la suroccupation. Ils contribuent à la détérioration des copropriétés en négligeant le paiement des charges.
De ce constat, le gouvernement a souhaité initier un plan pour réhabiliter les copropriétés dégradées et la résorption de l’habitat indigne et dégradé. Dans le but d’aller plus loin dans le processus, Michèle Lutz et Mathieu Hanotin avaient été missionnés pour faire des propositions au Gouvernement qui vise à accélérer le traitement des situations dégradées et à renforcer les obligations des travaux.
Rapport final : Hanotin-Lutz
Le rapport final rendu par Mathieu HANOTIN, Maire de Saint-Denis et Michèle LUTZ, Maire de Mulhouse formule 24 propositions en quatre grands axes. A savoir :
1.Amplifier le pouvoir d’agir des collectivités pour des interventions plus rapides, notamment sur le foncier : Premier ingrédient du projet urbain, le foncier conditionne son envergure et sa qualité. Ainsi renforcer le pouvoir d’action et la rapidité d’intervention des collectivités. La capacité d’action des autorités publiques est étroitement liée à leur aptitude à gérer le foncier.
La prédominance de la maîtrise foncière en amont d’un projet offre à la collectivité une plus grande latitude dans le choix des options disponibles. Un enjeu particulier se pose dans le cadre des situations d’habitat indigne, où la question de la maîtrise foncière se heurte au droit constitutionnel de la propriété.
Les propositions avancées, soutenues par des acteurs locaux tels que les collectivités et leurs aménageurs, visent à définir des cas spécifiques, dans lesquels les autorités publiques sont contraintes de devenir propriétaires de terrains, tout en simplifiant les conditions et les délais de cette acquisition.
Parmi les mesures prioritaires, la création d’une Déclaration d’Utilité Publique (DUP) « Lutte contre l’habitat indigne », la clarification des conditions de recours à la DUP « Vivien » et l’anticipation des possibilités de portage sont autant d’initiatives destinées à renforcer le pouvoir d’action des autorités publiques, en facilitant notamment les délais liés à cette maîtrise.
Dans un contexte où le temps représente un défi majeur pour la transformation des territoires, ces propositions cherchent à accélérer la reconstruction urbaine tout en assurant une utilisation mesurée et adaptée des ressources publiques.
2. Faciliter l’intervention des acteurs de l’habitat privé : Lutter contre l’habitat indigne et garantir un logement décent, abordable et durable pour tous, c’est donner les moyens aux acteurs de l’habitat privé de pouvoir faire de manière autonome. Pour faciliter l’intervention des acteurs de l’habitat privé.
Dans la conviction que la puissance publique doit intervenir de manière ciblée en tant que relai et soutien lorsque les interventions privées ont épuisé tous leurs leviers d’intervention, la démarche vise à donner la parole aux acteurs engagés quotidiennement auprès des propriétaires. Pour améliorer l’efficacité des interventions dans l’habitat privé, il est essentiel de positionner stratégiquement les multiples acteurs en amont, offrant un soutien précoce aux propriétaires responsables. Informer, former et soutenir financièrement les propriétaires sont des axes prioritaires.
La priorité réside dans l’exploration d’une nouvelle approche d’accompagnement, notamment à travers l’expérimentation du rôle du syndic d’intérêt général dans des situations spécifiques. Ce modèle spécialisé offre la possibilité d’une assistance adaptée, mettant l’accent sur la résolution des défis rencontrés par les propriétaires.
L’utilisation judicieuse des leviers financiers et fiscaux pourrait garantir l’engagement dans divers travaux, couvrant l’entretien courant, les désordres structurels et les améliorations énergétiques des logements. La qualification des professionnels est placée au cœur des solutions à long terme pour la préservation des logements, permettant ainsi aux propriétaires de s’appuyer sur des experts compétents.
Pour les immeubles de grande hauteur, une simplification des obligations, tout en assurant la sécurité des personnes, serait une avenue favorable pour faciliter la gestion de ces copropriétés particulières.
3. Améliorer l’accompagnement et la protection des habitants : parce que le logement n’est pas un bien comme les autres et la conviction que le droit au logement est un droit essentiel, la protection des habitants doit être renforcée. Pour mieux protéger les locataires.
Une protection accrue des habitants, c’est garantir un meilleur équilibre entre les droits et obligations, en particulier pour les propriétaires bailleurs. La perception du logement comme un simple investissement incite certains propriétaires peu scrupuleux et échappent à leurs responsabilités. Pour renforcer cette protection, il est essentiel de consolider le permis de louer, de garantir le droit à l’hébergement lors de procédures, et d’impliquer les assureurs en tant que partenaires pour offrir des solutions en cas de sinistre majeur.
Ces mesures, complémentaires aux dispositions techniques existantes, visent à prévenir les abus et à assurer une qualité de vie optimale pour les locataires. La lutte contre l’habitat indigne s’inscrit dans une démarche plus large, cherchant à garantir un accès universel à un logement abordable, durable et décent. En renforçant la protection des habitants, nous contribuons à maintenir des normes d’exigence élevées pour le bien-être de tous
4. Accentuer les mesures coercitives envers les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil : Afin que l’habitat indigne ne soit pas qu’une source de profit des marchands de sommeil, cet axe appel à un durcissement général, et ainsi accentuer les mesures envers les propriétaires indélicats.
En complément des mesures incitatives pour les propriétaires responsables et volontaires, il devient nécessaire de renforcer les mesures coercitives à l’encontre des propriétaires indélicats. Une répartition des pouvoirs d’enquête judiciaire s’impose pour amplifier les capacités de la justice à rendre des décisions effectives. En parallèle, la simplification de l’application des mesures existantes, telles que la saisie des lots en cas d’impayés, favorisera une plus grande équité entre les propriétaires au sein d’une même copropriété. Cette proposition d’harmonisation des codes régissant les interventions dans le tissu pavillonnaire est avancée.
Ces propositions découlent, et répondent à un signal fort, de trois enjeux majeurs identifiés dans la lettre de missions du Ministre confiée aux deux maires qui sont :
- Etablir des propositions sur les outils fonciers à développer pour accélérer le traitement des situations,
- Proposer de diversifier les sources de financement, par exemple des investissements privés,
- Renforcer les mesures coercitives à l’égard des propriétaires indélicats