Déposé à l’Assemblée nationale le 12 décembre, le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement vise à répondre au constat censé être partagé par les acteurs de terrain selon lequel les délais d’élaboration et de mise en œuvre des opérations de rénovation des copropriétés dégradées, de traitement de l’habitat indigne et d’aménagement urbain sont trop longs : entre 5 et 10 ans pour des dispositifs de redressement de copropriétés en difficulté, 20 ans et plus pour la transformation des grands ensembles des copropriétés confrontés à des dysfonctionnements majeurs au sein d’un quartier où la requalification de quartiers anciens dégradés, de 10 à 15 ans pour une grande opération d’aménagement type « opération d’intérêt national ». Il fait suite à l’impatience manifestée par le président de la République lors de son déplacement à Marseille au mois de juin 2023, et s’inspire des travaux d’une mission confiée à Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts), chargée de réfléchir au financement des travaux des copropriétés dégradées, et de ceux menés par Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, respectivement maires de Saint-Denis et de Mulhouse, chargés en mai 2023 de réfléchir aux ajustements à apporter aux outils, notamment juridiques, utilisés par la puissance publique pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne, et proposer les moyens de lever les nouveaux freins techniques, qui ralentissent l’action politique des élus locaux et compromettent l’impulsion nationale.
Projet de loi : les mesures adoptées
Parmi les mesures adoptées à ce stade – le projet de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en première lecture avec de très nombreux amendements –, citons plus particulièrement la création, pour le financement de travaux essentiels et de rénovation énergétique, un prêt collectif au syndicat des copropriétaires : elle vient compléter la gamme de prêts collectifs aux copropriétés, régie actuellement par les articles 26-4 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, restreinte aux prêts à adhésion individuelle et au prêt collectif de préfinancement d’une subvention. Une troisième catégorie de prêts est créée, pouvant être votés à la même majorité que celle nécessaire au vote des travaux concernant les parties communes ou des travaux d’intérêt collectif sur parties privatives, et souscrits au nom du syndicat des copropriétaires pour le financement de ces travaux.
Un tel prêt, s’il est voté, engage par défaut tous les copropriétaires, sauf ceux qui notifient leur refus dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale et s’engagent à verser la totalité de leur quote part des travaux dans les six mois à compter de cette même date. Les fonds empruntés dans ce cadre sont versés par l’établissement prêteur sur un compte bancaire dédié ouvert auprès de l’établissement prêteur et les factures sont réglées par la banque sur présentation des factures par le syndic.
Le remboursement de l’emprunt est effectué mensuellement ou trimestriellement à la banque, en capital et intérêts, par appel aux copropriétaires bénéficiant de l’emprunt de leur quote-part de la mensualité, calculée en fonction des quotes-parts de travaux, à laquelle le syndic est fondé à ajouter ses « frais et honoraires y afférents ».
La charge de la contribution au remboursement de l’emprunt est transférée aux propriétaires successifs des lots en cas de mutation.
Le syndicat des copropriétaires est garanti en totalité, sans franchise et sans délai de carence, par un cautionnement solidaire après constat de la défaillance d’un copropriétaire bénéficiant de l’emprunt pour les sommes correspondant à son remboursement ainsi qu’au paiement des accessoires.
Les remboursements sont assimilés au paiement des charges et travaux au regard du bénéfice de l’hypothèque légale prévue au 3° de l’article 2402 du code civil (l’ancien privilège immobilier spécial). Après mise en œuvre de la caution, celle-ci est subrogée de plein droit dans l’exercice de l’hypothèque légale du syndicat.
Les sommes versées par le copropriétaire ayant refusé le prêt entrent définitivement, dès leur versement, dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires. Dès leur versement, elles sont affectées sans délai par le syndic au remboursement anticipé de l’emprunt. Elles ne donnent pas lieu à remboursement par le syndicat des copropriétaires à l’occasion de la cession d’un lot, mais comme pour le fonds de travaux, l’acquéreur peut consentir à verser au vendeur un montant équivalent à ces sommes en sus du prix de vente du lot, ces sommes entrant dans le calcul de l’assiette des droits de mutation.
Un décret en Conseil d’État doit fixer les conditions d’application de ces dispositions.
Deuxième mesure importante intéressant les copropriétés, de nouveaux cas d’ouverture de la procédure de désignation d’un mandataire ad hoc en application des articles 29-1 A à 29-1 C de la loi du 10 juillet 1965 dans deux cas : pour l’ouverture par le syndic s’il n’a pas obtenu de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans, et pour l’ouverture par des copropriétaires représentant ensemble au moins 15% des voix du syndicat, le président du conseil syndical, un créancier, le préfet, le procureur de la République, le maire ou le président de l’EPCI, en l’absence de syndic ou en l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans.
Mais cette mesure est assortie pour la première fois d’une sanction pour le syndic qui n’a pas ouvert la procédure du mandataire ad hoc avant que la copropriété en arrive au stade justifiant la désignation d’un administrateur provisoire : le texte prévoit en effet que le président du tribunal judiciaire puisse, après audition du syndic et du conseil syndical, sur rapport de l’administrateur provisoire, imputer tout ou partie des frais de l’administration provisoire au syndic.
Troisième mesure importante pour les syndics de copropriété : il est créé, une catégorie de syndics de copropriété qualifiée de « syndic d’intérêt collectif » censés avoir, sur agrément du préfet dans des conditions fixées par décret, compétence pour intervenir dans les copropriétés faisant l’objet des procédures prévues aux articles 29-1 A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, le texte indiquant que « le syndic d’intérêt collectif a pour mission de gérer les copropriétés pour lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné sur le fondement de l’article 29-1 A » (à la place du syndic en place qui serait évincé ?), et qu’il « peut également, à la demande d’un administrateur provisoire désigné sur le fondement de l’article 29-1, assister ledit administrateur dans ses fonctions de gestion ». L’agrément est délivré par le préfet pour une durée de cinq ans, « au regard notamment de la capacité et des compétences du syndic à accomplir les missions [mentionnées] ». Le texte précise en outre que les organismes HLM et les sociétés d’économie mixte sont « réputés remplir les conditions d’obtention de l’agrément de syndic d’intérêt collectif ».
L’association QualiSR
L’association QualiSR a bien entendu transmis plusieurs projets d’amendements visant à faire valoir le fait que lorsqu’un mandataire ad hoc est désigné dans le cadre de la procédure prévue à l’article 29-1 A de la loi du 10 juillet 1965, le syndic en place, qui est possiblement à l’initiative de la demande de désignation par le juge, conserve son mandat, ainsi qu’à élargir le champ d’intervention du syndic d’intérêt collectif là où il serait le plus utile, à savoir la gestion de copropriétés en fragilité ou difficulté dans le cadre des dispositifs publics d’accompagnement, de redressement ou de requalification (OPAH, Plans de sauvegarde et ORCOD). Également à prendre en compte l’existence de la certification de services QualiSR® visant justement à constituer un réseau de « syndics de confiance », intégrant aussi bien des syndics privés que des organismes HLM exerçant l’activité de syndic de copropriété. Il est rappelé que la création de cette certification répondait à un besoin exprimé par nombre de syndics impliqués dans la gestion de copropriétés en situation difficile dans le cadre de dispositifs publics de redressement ou assistants d’administrateurs provisoires, de reconnaissance de leur capacité et leurs compétences pour gérer ce type de copropriétés, ainsi qu’au besoin exprimé symétriquement par les opérateurs, les collectivités et l’ANAH de voir émerger une catégorie de syndics spécialisés, aptes à faciliter et sécuriser la mise en œuvre de ces dispositifs. Les syndics certifiés QualiSR® ont donc par définition les capacités d’assurer les missions attendues des « syndics d’intérêt collectif ».
Le projet de loi, qui comporte de nombreuses autres dispositions, arrive au Sénat ce début février pour une lecture unique, le gouvernement ayant fait le choix d’une procédure accélérée.