Qu’est-ce qu’une copropriété fragile ou en difficulté ?
Le rapport Braye de 2012 « Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés », la loi ALUR de 2014 et la réglementation de l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) ont permis de mieux appréhender les copropriétés fragiles ou en difficulté et leurs caractéristiques. Il s’agit de syndicats des copropriétaires qui rencontrent des dysfonctionnements plus ou moins importants au niveau de :
- la gouvernance (syndic, conseil syndical, assemblée générale),
- la situation financière,
- l’état du bâti,
- la solvabilité des propriétaires et la situation sociale des occupants.
À cela, s’ajoutent les facteurs extérieurs comme l’environnement, le marché immobilier ou le contexte urbain qui peuvent impacter leur devenir.
Quand un ou plusieurs de ces dysfonctionnements commence à perdurer, la copropriété se fragilise. L’ANAH considère ainsi qu’une copropriété fragile se définie par un fonctionnement sain de sa gouvernance accompagné cependant de « signes de premières fragilités sur le plan technique, financier, social ou juridique et risquant d’entrer dans une spirale de déqualification à la fois technique, de gestion et de fonctionnement pouvant à terme les rendre en difficulté ». D’un point de vue financier, le taux d’impayés de charges de copropriété retenu par l’ANAH est compris entre 8 et 15 % du budget prévisionnel annuel voté pour les copropriétés de plus de 200 lots ou compris entre 8 et 25 % pour les autres. Environ 180 000 copropriétés sont potentiellement concernées (soit près de 2,3 millions de logements).
Les copropriétés dites « en difficulté » connaissent quant à elles des problèmes fonctionnels et financiers plus marqués dont l’ampleur ne leur permet pas d’acquitter leurs créances ou de pourvoir à la conservation du bâti. Concernant les impayés de charges, le seuil est ici de 25 % du montant du budget prévisionnel, seuil abaissé à hauteur de 15 % pour celles de plus de 200 lots. La loi ALUR prévoit en effet que la procédure d’alerte peut être alors déclenchée auprès du TGI en vue d’étudier notamment la mise sous administration provisoire du syndicat notamment.
Définition de la copropriété fragile dans le référentiel de la certification QualiSR
Le référentiel de la certification QualiSR « Syndic Prévention Redressement » couvre les activités de gestion de copropriétés fragiles et de copropriétés en difficulté :
- Gestion de copropriétés fragiles : copropriétés présentant au moins deux des symptômes suivants de dysfonctionnements dans le financement de leurs dépenses de fonctionnement et d’entretien du bâti et des équipements, ou les processus décisionnels visant la conservation de l’immeuble et la mise en oeuvre des services collectifs, susceptibles s’il n’est appliqué des mesures de prévention et de redressement énergiques, d’entraîner la copropriété dans la spirale de la copropriété en difficulté : perte de valeur des logements, modification sociologique de la composition des copropriétaires, aggravation des difficultés financières et dégradation du bâti :
- Un taux d’impayés à la clôture des comptes du dernier exercice par rapport au budget prévisionnel et des provisions appelées pour travaux supérieur à la moitié des seuils de déclenchement de la procédure de désignation d’un mandataire ad hoc : 13% pour les copropriétés de moins de 200 lots ou 8% pour celles de plus de 200 lots (tous types de lots), ou 25% des copropriétaires en impayé même partiel en fin de trimestre,
- Au moins 3 refus de vote de travaux urgents proposés lors de l’AG dans les 3 dernières années,
- Au moins 3 occurrences dans les 12 derniers mois de l’impossibilité par manque de trésorerie de régler à leur échéance une facture mensuelle, bimestrielle ou trimestrielle d’eau, d’énergie, de chauffage, d’ascenseur ou d’assurance,
- Au moins un arrêté de péril ou d’insalubrité dans les 5 dernières années,
- Un taux de présence ou de représentation des copropriétaires en assemblée inférieur à 40% au cours des 3 dernières années
- Absence de conseil syndical
- Gestion de copropriétés en difficulté : copropriétés engagées dans les processus décrits ci-dessus, éligibles aux dispositifs publics (POPAC, OPAH, Plans de sauvegarde) ou requérant le placement sous administration provisoire.
Les copropriétés en voie de fragilisation, en difficulté ou dégradées
Les copropriétés en voie de fragilisation, en difficulté ou dégradées se caractérisent par un ensemble de dysfonctionnements, dont le degré d’importance est variable et détermine les moyens à mettre en œuvre pour y répondre. Ces dysfonctionnements peuvent être de différentes natures : gouvernance (syndic, conseil syndical, assemblée générale), situation financière, état du bâti, solvabilité des propriétaires ou la situation sociale des occupants. À cela, s’ajoutent les facteurs extérieurs comme l’environnement, le marché immobilier ou le contexte urbain qui peuvent impacter la copropriété. L’ANAH distingue 3 degrés de déqualification d’une copropriété, qui appellent des dispositifs publics distincts :
- Les copropriétés en voie de fragilisation se caractérisent par des impayés naissants, des travaux d’entretien non effectués, et un faible investissement des copropriétaires en même temps qu’une forte rotation de ces derniers ;
- les copropriétés en difficulté se caractérisent par des difficultés avérées de gestion et d’administration, des problèmes techniques non traités, et une population solvable qui fuit la copropriété ; les dispositifs publics de traitement pour ces copropriétés sont les OPAH Copropriétés dégradées (opération programmée d’amélioration de l’habitat) et les Plans de sauvegarde ; les dispositifs publics de traitement pour ces copropriétés sont les POPAC (programme opérationnel préventif d’accompagnement des copropriétés) ;
- les copropriétés dégradées sont le stade ultime du processus où les dispositifs incitatifs ne sont plus suffisants, et où l’intervention publique s’avère nécessaire ; les dispositifs publics de traitement pour ces copropriétés sont aussi les OPAH Copropriétés dégradées (opération programmée d’amélioration de l’habitat) et les Plans de sauvegarde, mais également pour les cas les plus graves les ORCOD (opération de requalification des copropriétés dégradées) les ORCOD-IN (ORCOD d’intérêt national).
Dans son Cahier Repères n°43, l’Union sociale pour l’Habitat (USH) décrit comme suit le phénomène : « Il est considéré que la copropriété en difficulté peut recouvrir les cas suivants :
- En cas de présence de copropriétaires ne pouvant pas se maintenir, au vu de l’inadéquation entre leurs ressources et les charges de gestion courante et/ou de rénovation,
- En cas de présence de copropriétaires présentant une dette de charges importante qu’ils n’ont pas la capacité de rembourser,
- En cas de développement du rachat de logements par des copropriétaires bailleurs indélicats générant des situations d’habitat indigne,
- En cas de mobilisation insuffisante des copropriétaires dans le fonctionnement de la copropriété ».
Dans le cadre d’une thèse intitulée « L’action publique locale sur les copropriétés dégradées » (Éva Simon, 2017), ce phénomène de dégradation, considéré comme étant un risque intrinsèque même du concept de copropriété, a été modélisé afin de mettre en évidence :
- l’importance des enchaînements dans le phénomène de dégradation,
- qu’au centre du processus de dégradation, on trouve un problème de gestion (l’incapacité à enclencher des travaux) ; en particulier, la présence d’habitants aux revenus modestes apparaît dans l’ensemble des recherches comme un symptôme, et non une cause, de la dégradation,
- qu’un cycle de valorisation (en opposition au cycle de dégradation) ne peut s’enclencher que si les organes de gestion de la copropriété fonctionnent convenablement.
Les cycles de dégradation et de valorisation
Les recherches françaises s’accordent sur la nécessité, pour étudier la dégradation des copropriétés, de s’intéresser aux processus favorisant leur dégradation ou leur valorisation. La thèse propose alors une modélisation du fonctionnement de la copropriété selon trois aspects : caractéristiques du bâti ; données socio-économiques ; gestion, organisés en deux cycles : valorisation et dégradation.
Modélisation du phénomène de dégradation, séparé ici en trois :
baisse des valeurs immobilières, dégradation du bâti et difficultés de gestion.
L’intérêt de cette modélisation est triple :
- Montrer l’importance des enchaînements dans le phénomène de dégradation ;
- Montrer qu’au centre du processus de dégradation, on trouve un problème de gestion (l’incapacité à enclencher des travaux) ; en particulier, la présence d’habitants pauvres apparait dans l’ensemble des recherches comme un symptôme, et non une cause, de la dégradation ;
- Montrer que le cycle de valorisation ne peut s’enclencher que si les organes de gestion de la copropriété fonctionnent.
Cycles de dégradation et de valorisation des copropriétés (source : L’action publique locale sur les copropriétés dégradées – Eva Simon 2017)
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